DANS L'EDITION DU 8 JUIN, EN EXCLUSIVITE POUR DIRECT SOIR : INTERVIEW DE ABDOU DIOUF
« LE PEUPLE FRANCAIS NE PREND PAS NOTRE COMBAT COMME UNE CAUSE SACREE »
La Francophonie : est-ce une philosophie, un patrimoine, une histoire ?
C’est d’abord une communauté qui partage, non seulement une langue, mais aussi une philosophie, un patrimoine et une histoire commune. C’est aussi une organisation internationale, rassemblant 63 Etats et gouvernements, qui mène des actions de coopération dans des domaines aussi variés que le cinéma, la musique, les médias, la littérature, la musique, les droits de l’Homme et la démocratie. C’est enfin un espace de dialogue politique, culturel et économique entre des pays qui ont des expériences diverses à confronter
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Comment se porte la francophonie dans le monde ? Quelles sont les zones de dynamisme? Les zones de régression ?
Le nombre de ceux et celles qui pratiquent la langue française est en augmentation constante dans l’ensemble du monde, même si l’anglais et l’espagnol progressent plus vite. La demande de français est encore plus forte qu’auparavant et je regrette que nous ne soyons pas en mesure de répondre de manière satisfaisante à cette demande. Notre langue se porte bien sur le continent américain, en Afrique et en Europe centrale et orientale, qui accueillera le prochain Sommet de la Francophonie au mois de Septembre. Par contre, nous avons à accroître nos efforts dans la région des Caraïbes et en Asie du Sud-Est. Il ne faut pas oublier que près de 200 millions d’hommes et de femmes parlent le français dans le monde.
Quelles initiatives principales mettez-vous en oeuvre pour encourager la francophonie ?
Nous proposons par exemple des formations en français aux fonctionnaires européens issus des pays d’Europe centrale et orientale, nous veillons au respect de l’utilisation de notre langue dans les organisations internationales et aux Jeux olympiques, où, comme vous le savez, le français est langue officielle. Nous assistons les pays du Sud qui siègent à l’OMC, où de nombreuses réunions informelles se tiennent en anglais et dans un langage très technique, etc.
Avez-vous le sentiment que la France soutient suffisamment la francophonie ? Ne la considère t-elle pas comme un patrimoine attachant mais désuet ?
La France est le plus gros bailleur de fonds de la Francophonie. Le président de la République et son gouvernement nous soutiennent de toutes leurs forces. Mais le message passe moins facilement auprès du peuple français. Il ne prend pas notre combat comme une cause sacrée parce que la France ne se sent pas menacée culturellement. Son influence dans le monde dépend aussi du rayonnement de sa langue, la seule avec l’anglais à être parlée sur les cinq continents.
En mars 2000, vous cédiez la présidence du Sénégal à Abdoulaye Wade dans de parfaites conditions démocratiques, à la suite des élections. Êtes-vous optimiste quant à la transposition du modèle sénégalais aux autres Etats africains ?
En tant que Secrétaire général de la Francophonie, mon combat est que la démocratie progresse dans tous nos Etats membres, et en particulier en l’Afrique où elle est encore trop souvent hésitante.
Concernant les situations de crise en Afrique (Darfour, Côte d'Ivoire...), estimez-vous que la résolution des conflits doit être le fait des Africains eux-mêmes ? L'Union Africaine joue t-elle bien son rôle ? Le joue t-elle de mieux en mieux ?
Bien sûr, les Africains doivent assumer leur responsabilité pour installer la paix dans leurs pays. Mais en aucun cas la communauté internationale ne doit se désintéresser de ces crises. La résolution des conflits est une entreprise difficile et coûteuse. Les Africains ne disposent pas aujourd’hui des capacités suffisantes pour faire face seuls à ce défi. C’est dans ce sens que la Francophonie œuvre en liaison avec les Nations Unies, les partenaires bilatéraux, les organisations régionales, etc.
On a beaucoup parlé des flux migratoires récemment, notamment à l'occasion de la visite de Nicolas Sarkozy à Bamako. La meilleure façon de résoudre la question des flux migratoires, est-ce la promotion du développement africain ?
C’est une évidence ! Et la balle est dans le camp des pays d’accueil. Mais cela ne suffit pas. En attendant que le Sud se développe, il faut s’occuper sérieusement des conditions dans lesquelles vivent tant de familles immigrées. C’est une question de dignité humaine !
Gaelle Bezier Guillaume Zeller
Sacrée exclusivité de Direct Soir, l'interview d'un président ce n'est pas rien.
Rédigé par : Bisso | 03 juillet 2006 à 19:15