“… Vous avez 4 heures”, voilà les consignes données aux 516 975 candidats au bac, ce matin pour l’épreuve de philo. Histoire de vous rassurer, nous avons demandé à Jean d’Ormesson, Jean-Marie Rouart et Erik Orsenna de nous raconter leur bac. Rassurant.
Quand on demande à trois membres de l’Académie française de se souvenir de leur bac, cela donne des choses auxquelles on se s’attendait pas. Comment croire en effet Jean-Marie Rouart lorsqu’il nous dit : “J’ai eu beaucoup de mal à avoir le bac”,ou encore Erik Orsenna qui déclare : “J’ai eu le bac par les cheveux mais vraiment ric-à-rac.”Impossible, me direz-vous. Ils veulent sans doute nous rassurer. Eh bien non !
C’est la stricte vérité. Jean-Marie Rouart en rêve même parfois encore la nuit : “Cela a été une terrible épreuve et parfois je me réveille en faisant deux cauchemars : je n’ai pas mon bac et je n’ai pas publié de livres.” Chez Erik Orsenna, on note un certain dilettantisme : “Moi, ce qui m’intéressait, c’était de savoir si j’étais pris en Hypokâgne et
d’être classé au tennis, donc je suis passé de justesse.” Jean-Marie Rouart n’hésite pas à le dire : “J’avais envie d’être un très bon élève mais j’étais nul.” Dans Une jeunesse à l’ombre de la lumière, il raconte d’ailleurs le désespoir de sa mère quand ils allaient au lycée Henri IV pour essayer de l’y faire entrer. Ecrivain consacré, membre de l’Académie française, il raconte cette anecdote pleine d’humour : “Beaucoup de mères de familles ont lu ce livre et viennent me voir en me disant, ‘je voudrais savoir comment on fait quand on est nul en classe pour entrer à l’Académie française’. C’est presque devenu un argument de vente !” La question fuse alors : comment ont-ils fait ? Même si Erik Orsenna déclare qu’il “a eu le bac grâce notamment à un 19/20 en gymnastique”, il n’en était pas moins très bon élève. A l’époque du bac, il avait déjà écrit 7 ou 8 romans ! Quant à Jean-Marie Rouart, même si lui aussi remarque qu’il l’a eu “grâce à la course à pied, parce que je cours très, très vite”, il s’est cultivé tout seul : “j’ai lu énormément de livres.” Et Jean d’Ormesson ? Eh bien, c’était un très bon élève, vous vous en doutez, mais lui aussi a eu quelques soucis avec une épreuve que vous ne retrouverez pas dans la cuvée 2006 : la cosmologie, introduite par le régime de Vichy. “Je ne voulais pas m’y intéresser. Après, la cosmologie m’a passionné mais à cette époque-là, je ne voulais pas en entendre parler et j’ai eu une très mauvaise note. Le jury a cru que j’étais éliminé.” Un 19/20 en géographie et l’acte de rébellion de Jean d’Ormesson contre cette matière issue d’un régime honni était réparé. Nos trois académiciens nous ont redonné espoir.Le mot de la fin à Jean-Marie Rouart : “ce qui est important, c’est de ne pas être débordé par la réalité.” Un beau sujet de philo.
Véronique Forge
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