Quoi de plus normal, au fond ? La campagne électorale actuelle en France ressemble, ironiquement, aux campagnes américaines : chocs de personnalités, primauté de l’image. Il faut tenter d’aller plus loin : pourquoi tout ce qui touche aux USA est vu, par une partie de l’opinion, les médias, le microcosme, avec la loupe déformante de la polémique ? Parce que Bush est peu apprécié en France et en Europe ? Les études récentes du PEW Institute démontrent une grave désaffection à l’égard de l’occupant de la Maison Blanche. La majorité de l’opinion américaine elle-même se détourne de son leader, exprime impatience, scepticisme, désarroi face à l’administration actuelle : Cheyney, Rumsfeld, Rice.
Bush, c’est une Amérique, ce n’est pas toute l’Amérique. L’anti-Bushisme ne doit pas se fondre ou se transformer en antiaméricanisme. On a envie de dire : regardez au-delà, ailleurs. Regardez les deux hommes les plus riches de la planète : Bill Gates, imité par Warren Buffett, qui distribuent les milliards gagnés grâce à leur réussite individuelle afin de soulager douleurs, fléaux, misères du monde. A-t-on, une seule fois, vu les nouveaux ploutocrates russes, chinois, saoudiens ou français, esquisser les mêmes gestes de solidarité ? Déployer la même intelligence du cœur : «J’ai beaucoup reçu, je donne tout autant» ? Que devient Clinton, aujourd’hui ? L’ancien président (démocrate) parcourt le globe pour organiser, communiquer, diffuser aides, soutiens, obtenus grâce à sa Fondation, afin d’éradiquer l’horreur du sida qui décime l’Afrique, le tiers et le quart-monde…
Partout où il passe, Clinton, l’ami américain, est écouté, acclamé, comparé à un Mandela au côté
duquel il se présente. Quel est l’équivalent de ce genre d’homme chez nous ? On a envie de dire : attendez un peu, il ne faudrait pas grand-chose pour que la tendance bascule, pour que les vertus fondamentales américaines regagnent reconnaissance et gratitude. Il suffit parfois d’un homme –
d’une femme ? – nouveau, un geste, un mot,et le rebond américain aura lieu. Alors, les Français, dont la relation avec ce pays a quelque chose de schizophrénique – la vindicte, parfois la haine, sont trop fortes pour que l’amour et l’admiration ne soient pas sous-jacents ! – retrouveront leur mémoire. S’ils parlent autant de cette Amérique, c’est qu’elle ne leur ressemble en rien : elle provoque ironie et ressentiment, mais aussi fascination et curiosité. La France et les Etats-Unis sont aux antipodes des cultures et des comportements :modération et raison pour nous, excès et extrêmes chez eux.
Les Etats-Unis ont sauvé deux fois l’Europe, et la France. De Gaulle fut le premier de tous les hommes d’Etat à tendre la main à Kennedy pendant la crise des missiles de Cuba.
Sur la longue durée, celle de l’Histoire, le lien entre nos deux peuples pèsera plus fort qu’une anecdote électorale, une photo, opportune ou pas, un détail, un président, bon ou mauvais. On aurait envie de dire : il est temps, pour la France, de nettoyer ou changer les verres des lunettes de ses intellectuels et, pour l’Amérique, d’ôter les œillères des chevaux montés par ses cow-boys.
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