Socialiste tranquille
Qu’est-ce qui vous rapproche de Dominique Strauss-Kahn aujourd’hui? Jean-Paul Huchon: Je pense que l’élection présidentielle se résume pour un homme de gauche à faire en sorte que ceux qui souffrent bénéficient du progrès, y participent et arrivent à rattraper le train qui avance. Il s’agit de réduire la «fracture social e» dont parlait Jacques Chirac. Strauss-Kahn a été un formidable ministre de l’Economie qui a réussi le passage à l’euro. C’est un Européen convaincu. Contrairement à Fabius, pour nos voisins, il peut faire avancer l’Europe.
Comment analysez-vous la réaction de Ségolène Royal face à Nolwenn, cette jeune militante socialiste avec qui elle a eu une altercation ?
Je ne suis pas un adepte du jeunisme et je n’absous pas nécessairement un jeune qui a dit quelque chose de violent ou déplacé. Les socialistes qui vont décider de la candidate ou du candidat PS, ce sont des militants. Le militant socialiste – ça plaît ou ça énerve –c’est un gars qui aime débattre. Il faut que Ségolène Royal s’habitue à cela. Les propos de la jeune fille étaient très agressifs. Qu’elle ait répondu, c’est aussi une manière de dire «Je ne me laisse pas faire, j’existe».
Vous soutiendriez Ségolène Royal ?
Je suis certain qu’il va y avoir in fine trois candidats le 3 octobre [ndlr : date de fin d’admission des candidatures]. Aujourd’hui, la presse suit systématiquement les sorties de Ségolène, et moins celles de Laurent Fabius ou de Strauss-Kahn. Là, il va y avoir trois candidats et il va falloir s’intéresser à tout le monde. Et je pense que Strauss-Kahn arrivera second au premier tour. Après, tout reste ouvert. J’ai toujours été un mec discipliné, j’ai toujours fait toutes les campagnes de Rocard et pourtant j’ai collé des affiches de Mitterrand.
Vous êtes le président de la région la plus riche de France. Quelles sont vos priorités ?
Comme l’Etat ne paie pratiquement plus rien, on paie à sa place. Avec la décentralisation, l’Etat se désengage. Nous sommes ravis de prendre en charge certaines de ses compétences. Les transports publics, par exemple. Nous sommes plus près du terrain, plus concernés par ces enjeux que les technocrates ou les ministères. L’Ile-de-France représente 29 % du PIB national. Mais elle possède de nombreuses poches de pauvreté. Elles se sont révélées lors des émeutes en novembre 2005. Nous avons fait des choses pour que cela ne se reproduise pas.
Vous êtes actuellement en procès pour prise illégale d’intérêts. Le jugement sera rendu en janvier 2007. Vous encourez 5 ans de prison et 10 ans d’inéligibilité. Le palais de justice est-il un passage obligé lorsque l’on est un élu d’Ile-de-France?
Non, pas du tout. Quand je me suis engagé en politique j’avais 18 ans, j’en ai aujourd’hui 60, je n’ai jamais eu à connaître ces choses-là. Pour mon affaire, il y a à l’origine des lettres anonymes, donc un corbeau, et je n’ai même pas pu avoir accès au dossier. Cela fait deux ans qu’on me cache tous les éléments. Ce que je peux vous dire, c’est qu’il n’y a aucun emploi fictif. Trois marchés publics sont examinés dans l’affaire. Ils ont chacun fait l’objet de tous les contrôles légaux : Cour des comptes, préfet, trésorier-payeur général, ministère des Finances. Ils sont clairs et nickels. Je tiens aussi à rappeler que, quand je suis arrivé à la région, on ne parlait que du procès des lycées d’Ile-de-France, avec des détournements de plusieurs centaines de millions d’euros. Et c’est moi qui ai mis fin à cela, au point que nous sommes la seule région qui soit certifiée ISO 9001 sur la qualité juridique et l’éthique des marchés.
Vous auriez dit aux fonctionnaires de la brigade financière «la vie est longue, je n’oublierai rien».
Franchement : je suis, paraît-il, le type le plus poli, le plus courtois, le plus consensuel du monde, qui a des amis de tous les côtés. Vous me voyez dire cela à des policiers? Est-ce que j’ai l’air d’un type qui met des coups de boule?
Pourtant vous êtes un fan de rock !
Oui mais le rock, ce n’est pas nécessairement de la violence gratuite ! C’est surtout de la poésie, de la révolte et de la musique.
PROPOS RECUEILLIS PAR BORIS EHRGOTT
ET CAROLINE ITHURBIDE
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