Walburga Schaller a 76 ans. Aveugle d’un œil, elle souffre d’arthrite aiguë, a une hanche artificielle et se déplace avec une canne. Mais la bagarre ne lui fait pas peur, comme Robert Smith a pu s’en apercevoir. Mme Schaller et M. Smith ne s’étaient jamais rencontrés jusqu’à cet après-midi où tous deux sortirent faire des courses. La septuagénaire se rendait à sa banque. Robert Smith, 52 ans, allait chez le médecin. Blessé au pied, lui aussi marchait avec une canne.
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En ce jour de juin, tous deux se trouvent dans la même rue, sur le même trottoir. Chacun s’attend à ce que l’autre lui cède le passage. En vain. Mme Schaller et M. Smith finissent par se retrouver face à face. Leurs chaussures se touchent, les lunettes de Robert Smith manquent de rentrer dans les yeux de Walburga Schaller. Et c’est là que les choses s’enveniment, d’après le dossier du tribunal.
Les insultes commencent à voler, puis les obscénités. Bientôt, les coups de canne pleuvent, témoigne Cherie Coyle, une riveraine qui a assisté à l’altercation. Finalement, Robert Smith contourne Walburga Schaller. Selon elle, il la pousse au passage – et elle le traite de “salaud”. Selon le dossier, il lui administre alors un dernier coup de canne. Le coup est si violent que la canne se brise et que Mme Schaller tombe sur la chaussée. Un passant l’aidera à se relever et appellera la police. Arrêté, Smith sera inculpé pour coups et blessures. Devant la cour, Smith reconnaîtra avoir frappé Schaller, mais affirmera avoir agi en état de légitime défense. Il déclare qu’il s’était acheté une canne le jour même pour 14 dollars, “mais qu’elle était probablement pleine de termites”.
Interviewée, Mme Schaller décrit ainsi leur confrontation. “Il m’a regardée droit dans l’œil et il m’a dit : ‘Vieille garce, va te faire foutre’”, dit-elle en reprenant sa déposition devant le tribunal. “J’étais soufflée. Je ne l’avais jamais vu de ma vie. Je lui ai dit : ‘Non, toi, va te faire foutre.’” Selon les minutes du jugement, Smith aurait croisé les bras, sa canne en main, et aurait lancé : “J’ai toute la journée devant moi.” “Moi aussi”, aurait rétorqué Mme Schaller. Puis elle aurait menacé de casser ses lunettes s’il ne bougeait pas. Ce qui ne l’aurait nullement dissuadé.
Robert Smith, quant à lui, dit avoir tenté de contourner la plaignante, mais elle lui aurait dit qu’elle allait lui montrer comment on traitait une dame, et lui aurait enfoncé sa canne dans l’estomac. Quand il est passé à côté d’elle, elle l’aurait frappé d’un coup de canne. “Là, c’était trop”, a-t-il déclaré à la cour. Et il aurait riposté.
Mme Schaller nie l’avoir touché et a assuré présenter de nombreuses ecchymoses sur le bras et derrière la tête, conséquences des coups qu’elle aurait reçus. Il lui aurait fallu plusieurs semaines pour se remettre. Le juge Howard Borenstein a rendu un verdict favorable à Mme Schaller, mais lui a néanmoins reproché son agressivité. “En dépit de son âge et du fait qu’elle se déplace avec une canne, elle n’a rien d’une petite fleur fragile, a-t-il expliqué. Je considère qu’ils se sont frappés mutuellement, probablement sans une force suffisante au début pour entraîner des blessures. Puis M. Smith a porté la dernière volée, le coup de grâce* – un coup si outrancier qu’on ne peut parler de consentement.” Le juge a condamné Smith pour usage excessif et inutile de la force. “Malgré sa blessure au pied, M. Smith aurait fort bien pu continuer son chemin à ce stade. En conséquence, M. Smith est jugé coupable de coups et blessures avec arme.” Il s’est vu infliger une peine de deux ans de prison avec sursis. Smith et son avocat se sont refusés à tout commentaire. Mme Schaller, elle, se dit satisfaite du verdict. Elle affirme n’avoir jamais réclamé des dommages et intérêts. “Ce que je veux, ce n’est pas de l’argent, conclut-elle. C’est qu’il soit puni pour ce qu’il a fait.”
* En français dans le texte.
(Globe and Mail, Toronto) et CI
C'est vraiment n'importe quoi !
Rédigé par : Bisso | 17 avril 2007 à 19:01