L'Américain Floyd Landis est sorti de sa réserve vendredi pour organiser sa défense. Elle est originale : il s'est pris une cuite la veille, il était bourré, ceci explique cela. L'affaire dépassant désormais son cas, retour sur la problématique que son cas soulève en six points.
Quelles suites pour Floyd Landis ?
Le cycliste américain a concédé vendredi «une légère anomalie dans le taux testostérone/épitestostérone», qu'il explique par «des taux naturels élevés» de ce ratio : «Les règlements de l'Union cycliste internationale (UCI) prévoient des examens complémentaires. Je vous demande, en attendant, de ne pas me juger. Pour les questions médicales, voyez avec mes avocats.» Dans un entretien rapporté par le Wall Street Journal, il a expliqué son contrôle positif par «deux bières et au moins quatre verres de whisky» pris la veille du prélèvement d'urine. Une défense plutôt cocasse, et totalement inédite. Les résultats de l'échantillon B sont attendus dans quelques jours, voire quelques semaines.
Pourquoi l'affaire Landis est-elle sortie si vite ?
On ne peut écarter la piste d'un coup politique de l'UCI contre le Tour de France, qui, quoi qu'on en pense, n'a pas abdiqué dans la lutte antidopage. Le Tour a pris sur lui de faire pression sur les équipes après la révélation du trafic sanguin qui a mis en cause Manolo Saiz, patron de l'équipe Liberty-Séguros et véritable Mazarin du vélo. Plus généralement, le Tour et l'UCI sont à la lutte : la fédération internationale a imaginé son ProTour (un circuit fermé avec un ticket d'entrée payant) pour décider elle-même quelles équipes seront admises sur les épreuves phares, tout en mettant la main sur les recettes générées par le vélo, qui appartiennent jusqu'ici aux organisateurs.
Le Tour peut-il survivre ?
Oui, puisqu'il est increvable. Entre la mort de Tom Simpson (en 1967), la poire d'urine de Michel Pollentier (en 1978), le contrôle positif de Lance Armstrong aux glucocorticoïdes (en 1999) couvert par un certificat médical antidaté ou la rocambolesque affaire Rumsas (en 2002), le Tour a tout connu. Mais il est toujours là. La seule question est de savoir si les diffuseurs vont longtemps cautionner l'épreuve : la chaîne allemande ZDF a laissé entendre qu'il pourrait en être autrement. Vendredi, France Télévisions a témoigné de sa «solidarité» envers les organisateurs. Cela dit : pour la première fois cette année, on trouvait des chambres libres à l'Alpe d'Huez le soir de l'arrivée dans la station. 19 coureurs ont grimpé l'Alpe d'Huez en moins de 42 minutes en 2006.
Comment font-ils pour se doper ?
C'est le jeu du chat et de la souris. Les machines des contrôleurs antidopage ont été aussi, au moins dans le passé, achetées par certaines équipes. Le soigneur de Festina, Willy Voet, essayait certains produits pour voir s'ils «passaient» aux contrôles et en combien de temps. Aujourd'hui, le sang oxygéné est le meilleur carburant : il est un peu au dopage ce que le super ou le kérosène est à l'essence.
Pourquoi les vedettes se font si rares sur les courses ?
Parce qu'on se dope moins efficacement pendant une compétition. Le vélo n'a pas l'exclusive de cette méthode : les athlètes grecs Konstantinos Kenteris (200 mètres) et Ekaterini Thanou (100 mètres) étaient invisibles entre deux championnats du monde. Cette saison, un grand espoir du cyclisme espagnol n'a disputé que deux courses au printemps, qu'il a d'ailleurs gagnées. Puis on ne l'a revu qu'au Tour de France. En fait, certains se comportent comme s'il importait de s'entraîner hors de portée des contrôles. Les eldorados où les cyclistes peuvent faire des cures d'EPO (ou autres) sans crainte d'être contrôlés sont connus : Mexique, Afrique du Sud, Etats-Unis. Avant 1998, les leaders de l'équipe Festina ne participaient même pas au championnat de France une semaine avant le Tour, car ils en terminaient avec leur cure de clenbutérol. Après le championnat du monde 1997 gagné par Laurent Brochard, toute l'équipe a fait l'impasse sur le Tour du Piémont et Milan-Turin, qui précédaient le Tour de Lombardie : le pot belge qu'ils s'étaient offert après le triomphe de Brochard était détectable cinq jours dans les urines.
Qu'est-ce que le dopage a changé dans le sport cycliste ?
Impossible de lire la course sans faire référence à la médication. George Hincapie, l'ex-coéquipier d'Armstrong, qui grimpait comme un cabri l'an dernier, fut complètement à l'arrêt en juillet. Le grimpeur vénézuélien José Rujano, qui avait survolé les Dolomites lors du Giro 2005, était incapable de passer un pont de chemin de fer lors du Tour 2006 et a mis les pouces après la 17e étape. Une défaillance, ce n'est souvent plus une «fringale», mais une médication mal calculée. L'efficacité des dopants successifs a tout changé. Depuis l'alcool en 1903 jusqu'aux oxygénants du sang d'aujourd'hui en passant par les amphétamines, les anabolisants, les corticoïdes ou les hormones de croissance (avec parfois tout ça mélangé), la course s'est modifiée. Récemment, on a vu des équipes capables de rouler à 50 km/h pendant 4 000 kilomètres tout en contrôlant le peloton. L'étalonnage des valeurs serait très différent à l'eau claire.
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